Ken Garland : remettre les choses à leur place

Source photo : Wikipedia - Graphic designer Ken Garland at Typo conference Berlin, 2002, photo: Gerrit Terstiege

Un itinéraire engagé : de Southampton à Camden Town

Ken Garland naît à Southampton en 1929 et grandit à Barnstaple dans le Devon. Après une formation en art commercial, il étudie la communication visuelle à la Central School of Arts & Crafts de Londres. Son passage au magazine Design en tant que directeur artistique (1956‑1962) lui permet d’affirmer un style qui marie la rigueur typographique suisse et l’énergie des graphismes américains. En 1962, il fonde son propre studio, Ken Garland & Associates, dans le quartier de Camden Town, où il collabore avec de petites institutions, des associations artistiques et des causes militantes. Enseignant, photographe et militant pacifiste, il appartient à « la première génération de designers graphiques à part entière » et se définissait comme un socialiste convaincu et membre actif de la Campaign for Nuclear Disarmament (CND).

First Things First : la révolte des graphistes

En novembre 1963, alors que la profession s’abandonne à la publicité tapageuse, Garland interrompt une réunion de la Society of Industrial Artists pour dénoncer « le hurlement suraigu de la publicité de consommation ». Il considère qu’une saturation est atteinte : vendre de la nourriture pour chats et des produits minceur gaspille le talent des créatifs.

Les applaudissements qui suivent ce coup d’éclat donneront naissance au manifeste First Things First. Publié en 1964 avec vingt‑deux signataires, il réclame un « renversement des priorités » : mettre nos compétences au service de communications durables et utiles et cesser de répondre aux gimmick merchants et hidden persuaders. La déclaration est réimprimée par le ministre travailliste Tony Benn et inspirera plusieurs générations.

Des symboles qui marchent

L’engagement de Garland se traduit graphiquement dans ses affiches pour le mouvement antinucléaire. En 1962 il retravaille le symbole de la paix et le répète sur son affiche de la marche d’Aldermaston comme une procession de pancartes qui avancent vers le lecteur. Cette capacité à simplifier pour renforcer l’impact deviendra une constante dans son travail.

Dans cet entretien réalisé en 2013 par Monográfica, Ken Garland revient sur son manifeste First Things First et explique pourquoi les designers doivent jongler entre projets commerciaux et causes sociales. Il y défend une approche équilibrée : « Les designers ne devraient pas se cantonner à un type de travail ; ils doivent mener de front activités commerciales et engagements éthiques, sinon ils se ferment à de nouvelles idées et pratiques ».

Galt Toys : l’identité comme jeu

Parallèlement à ses engagements, Garland accepte une mission réjouissante : repenser l’identité de James Galt & Co, fabricant britannique de jouets. Plutôt que d’imposer un logo figé, il conçoit un mot‑marque en lettres bâton que l’on peut désorganiser et réassembler comme des blocs de construction. Sur une couverture de catalogue, des enfants transforment Galt Toys en « Galy Tots ». Sa collaboration avec Galt durera vingt ans, faisant de l’entreprise un leader du jouet éducatif. Les designers du studio inventent aussi des jeux : Connect (aujourd’hui Rivers, Roads & Rails) est encore produit. Pour Garland, une identité doit être un « starter » dont les designers futurs s’emparent et non un carcan immuable.

Sources – Gauche : United Editions - Droite : Etsy, Ken Garland + James Galt Jeu Connect, 1969

Source : United Editions

Ce que Ken Garland nous dit encore aujourd’hui

Pour les marques publiques et B2B

Le manifeste de Garland et ses projets militants rappellent qu’une marque peut choisir ses batailles. Vendre pour vendre est une impasse ; privilégier des produits et les services porteurs de sens crée un impact durable. Son identité modulable pour Galt invite à rompre avec les chartes rigides : un système graphique vivant peut évoluer avec les usages sans trahir son essence.

Pour les stratèges

« Renverser les priorités » reste une boussole : partir de l’utilité sociale plutôt que du court‑termisme. Avant de créer, Garland posait une intention claire, puis construisait un système cohérent. Stratèges et chefs de projets peuvent s’en inspirer : définir le sens avant la forme, puis laisser le design s’adapter aux contextes.

Pour les communicants

Garland prouve qu’on peut être radical en étant simple. Ses affiches pour la Campaign for Nuclear Disarmament - CND - ou ses logos mobiles montrent qu’un langage visuel dépouillé, combiné à des messages honnêtes, touche davantage qu’un vacarme graphique. La sincérité est plus puissante que l’esbroufe.

Pour aller plus loin

Livres

Articles

  • Eye Magazine a publié un entretien approfondi en mai 2025, qui revisite sa carrière, ses influences, ses écrits et sa philosophie sur la pratique du design graphique. Cette interview s'apparente plus à une rétrospective qu’à un entretien direct de type pressé ou conversation journalistique.

  • An interview with Ken Garland By Mark Sinclair - 2013 - Creative Review

  • Ken Garland interview - 2012 - Design Boom

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